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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 18:03

3.     Le récit contemporain à l’affiche : l’Histoire sous nos yeux

 

Le Film historique se charge de l’Histoire passée ou présente, et, dans ce dernier cas, en vient à illustrer une mémoire visuelle des faits démultipliée par la somme des médias contemporains (nombreuses images ou vidéo d’archives, reportages journalistiques, essais et documents divers, œuvres inspirées des faits, sites et forums Internet). L’affiche, logiquement  commémorative, se doit précisément d’être argumentée pour ou contre la thèse défendue, qui est d’ordre sociale, politique, religieuse mais aussi artistique : faut-il (au jour de la sortie du film) parler avec humour de la Shoah (La vie est belle - R Benigni - 1997), défendre les « oubliés » de la Guerre d’Algérie (Indigènes - R. Bouchareb - 2006), modifier la version officielle de l’assassinat de Kennedy (J.F.K. - O. Stone - 1991) ou raconter la fin de règne de François Mitterrand (Le Promeneur du Champ-de-Mars - R. Guédiguian - 2005) ? Si, aujourd’hui, le genre tourne à l’évidence moins à l’hagiographie déguisée, au profit d’une véritable lecture historique de la période ou du sujet traité, l’affiche n’échappe pour sa part que difficilement au fait d’être un moyen publicitaire. La déconstruction symbolique y est donc paradoxalement très rare, sauf quand c’est justement le propos du film (Mémoires de nos pères - C. Eastwood - 2006).









 

Focalisé sur le réel, l’interview des témoins ou des acteurs des évènements, et se faisant journalisme d’enquête ou d’investigation, le récit historique est devenu film historique documentaire : de la Sortie de l’Usine Lumière à Lyon (Frères Lumières - 1895) à The War (K. Burns et L. Movick - 2007) ou Bataille à Seattle (S. Townsend - 2008) en passant par les films en rapport avec le 11 Septembre (voir sur ce blog : http://cine-l-affiche-en-plein-coeur.over-blog.fr/article-18590450.html), le sujet est d’une richesse novatrice dans la forme comme dans le style. Les affiches chercheront donc le jeu sur le décalage graphique puisque le film n’est en général pas une fiction et n’a pas d’acteurs vedettes à vendre. Il y aura recherche d’un ton journalistique : l’affiche ressemble à une photo de presse ou un photomontage, à une page de magazine ou à un extrait de vidéo ; les couleurs sont en rapport avec l’époque du sujet. Pour les thématiques les plus sensibles (Shoah, racisme, religion), les affiches se simplifient à l’extrême : le titre du film, le nom du réalisateur et une accroche forte (De Nuremberg à Nuremberg - F. Rossif - 1989 ; La Guerre sans nom - P. Rottman - 1991). On lira donc à l’évidence le ton du film historique/documentaire à travers son visuel : grave ou ironique, sensibilisant ou dénonciateur, pédagogique ou politiquement engagé (voir, sur tous ces modes, les visuels des différents films de Michael Moore dont ceux du récent Sicko (2007), film qui sort cependant du genre historique au profit du documentaire social).









  Pour prendre un dernier cas récent, La chute (O. Hirschbiegel - 2005 ; voir le site officiel :
http://www.tfmdistribution.fr/lachute/)  à la fois marqué par l’aspect fictionnel et documentaire, par la polémique puis la réussite aussi bien critique qu’artistique (toutes questions sur l’objectivité du spectateur/historien ou sur l’humanisation d’Hitler mises à part…), on en viendra à observer comment, pour l’affiche d’un film historique, se jouent certainement encore plus qu’ailleurs des liens intimes entre texte/typographie et graphisme, couleurs et temporalité alloué à l’image.  Le film, qui présente les 12 derniers jours  de la vie d’Adolf Hitler dans son bunker pendant la Bataille de Berlin (Hitler se suicidant le 30 Avril 1945), ne pouvait - comme dans le précédent exemple napoléonien - se passait de la figure malheureusement emblématique du dictateur. Toutefois, cette réaffirmation visuelle est rendue nécessaire par un titre aussi terrible et évocateur (la chute, c’est la fin des temps ou l’Apocalypse) que flou (le contexte précis n’est pas évoqué), qui renforce la prestation impressionnante de l’acteur Bruno Ganz. Si le film, par ailleurs ancré sur deux sources documentaires scrupuleusement étudiées et remises en scène (le livre documentaire de Joachim Fest, Les derniers jours d’Hitler, et les mémoires de Tradl Junge, secrétaire un brin naïve du Führer), des choix techniques de réalisation sont effectués (la caméra 35 mm en lieu et place du Cinémascope traditionnel) afin d’éviter le spectaculaire ou la sur-dramatisation.

 

L’affiche de film historique aura donc eu une vie en trois phases : espace « héroïque » primitif (une affiche, un personnage historique, un visage), puis espace « mémoratif » (une époque, un lieu, plusieurs acteurs) et enfin espace « digressif » (l’Histoire sert de toile de fond à d’autres genres affiliés, dont la comédie ou le documentaire) ; aujourd’hui, le film historique navigue entre pédagogie de l’Histoire et distanciation prise avec une imagerie d’Epinal par trop évidente. Lorsque cette dernière est quasi-inévitable, le film s’engagera dans une lecture intimiste de son sujet, n’évitant pas toujours d’ailleurs le paradoxe inhérent à des personnages rendus à la fois hommes et mythes par l’Histoire, et qui veut donc que l’historien ne puisse pas faire une approche « neutre » du sujet (voir la Reine Margot (P. Chéreau - 1994), The Queen (S. Frears - 2006) ou les deux volets de la vie de Che Guevara (Argentine et Guérilla - S. Soderbergh - 2008)). L’affiche de film cherche aujourd’hui à être une digression au-delà du mythe établi, afin d’établir une nouvelle étape iconique qui fasse date à son tour

 



 

 

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  • : Les affiches de films sont des papillons de la nuit du Cinéma : multicolores, éphémères et éternelles à la fois... Invitation, trace, mémoire d'un film ou d'un genre, l'affiche en tant qu'oeuvre visuelle ne saurait être démentie, mais comment la déchiffrer, qu'en saisir et que nous dit-elle finalement, à nous, spectateurs ?
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