Chapitre 2
Sexe, mensonge et publicité
· 1. Manipuler le spectateur potentiel
· 2. Le sens de la provocation ?
· 3. Un contrôle préventif : le visa d’exploitation et les Studios Guidelines
· 4. Une utilisation abusive des critiques...
· 5.Faire du neuf...
L’affichage de la
Vie est belle,
témoigne de la volonté de vendre le film en utilisant… ses prix.
1. Manipuler le spectateur potentiel
La concurrence entre les films d’une part et les supports médiatiques d’autre part (cinéma, télévision, musique et radio, presse, marchés de la vidéo) amènent parfois quelques distributeurs à en rajouter en présentant les atouts d’un film. Quand cela reste au niveau de l’erreur, s’en est presque sympathique : ainsi, en 1998, suite à l’intervention mouvementée et émouvante de Roberto Benigni lors de la remise des prix à Cannes, critiques et distributeurs attribuèrent de bon cœur sur les affiches la palme d’or à la Vie est belle, film qui n’obtint en fait « que » le Grand Prix du jury !
Plus tortueuse est l’opération qui consiste à faire passer pour le nouveau film d’un auteur à succès récent l’une de ses œuvres de jeunesse, déjà (mal) exploitée ne salles. Ainsi, après le succès de son Elephant Man en 1980, David Lynch eu droit à une ressortie d’Eraserhead, film datant de 1977. Rebaptisé Labyrinth Man sur la nouvelle affiche qui propose en outre un cliché d’une tonalité très voisine d’Elephant Man, le film est vendu sur un double mensonge : un nouveau titre prétendant établir une filiation entre deux œuvres fort dissemblables et un slogan («après Elephant Man ») voulant insérer une chronologie erronée de la création des deux films. Finalement, la ressortie attira 14 000 spectateurs, contre 7 000 lors de son exploitation initiale. L’affiche d’Eraserhead , production indépendante de Libra Film, deviendra par ailleurs l’une des affiches cultes de ces cinquante dernières années (élu comme tel à la 35ème position par le magazine Première), aux multiples variantes graphiques lors des ressorties successives de ce film aussi intriguant que son réalisateur.
Du côté des acteurs, c’est Louis de Funès qui vit le plus ses œuvres de jeunesse ressortirent sur les écrans, avec son nom en
tête d’affiche, suite à son triomphe dans Le gendarme de St Tropez (J.Girault - 1964).Quant à Bruce Lee, il ne
connut pas les nombreux films tournés après sa mort le 20 Juillet 1973 et qui exploitèrent son nom (On m’appelait Bruce Lee, La vie fantastique de Bruce Lee,…). Dans le
cas de Trinita, c’est le nom du héros qui fut surexploité dans des productions italiennes de troisième catégorie où pourtant aucun personnage ne porte le nom de celui de Terence Hill dans le film
original d’Enzo Barboni (On l’appelle Trinita -
1969-1971) : de Trinita prépare ton cercueil,
à Trinita voit rouge en passant par
l’improbable Planque-toi minable, Trinita arrive,
imitations et re-titrages (exemple de la colline des bottes (G.Colizzi - 1969) re-titré abusivement Trinita va tout casser !) des films où apparaissait le duo Terence Hill/Bud Spencer se
succédèrent.
Dans un genre voisin, on constate souvent la surexploitation du nom d’une vedette qui ne joue pourtant qu’un rôle secondaire. En
1983. Valérie Kaprisky s’offusqua que la seconde campagne de lancement du film érotique Aphrodite (R.Fuest) soit basée sur elle, qui n’avait tourné que quelques plans. Cette surexploitation peut être contractuelle : la star qui n’a qu’un rôle secondaire
veut avoir son nom en haut de l’affiche. Ce fut la cas de Catherine Deneuve pour D’Artagnan (2001) de Peter Hyams.
On tombe carrément dans la tromperie quand il s’agit d’amener le spectateur à voir un film plutôt qu’un autre. Durant de longues années, les Studios Walt Disney furent les victimes de producteurs peu scrupuleux qui proposèrent des films d’animation sur un thème voisin aux leurs, avec un titre similaire et une jaquette aux couleurs comparables pour l’exploitation vidéo. Ce n’était du reste que la continuation d’un procédé longtemps utilisé par le cinéma bis italien lorsqu’il plagiait les grands succès américains des années 1970.
Enjeu marketing et course scénaristique obligent, on assista également durant les années 1990 à une concurrence effrénée entre les grands studios américains (Fox,
Paramount, Warner, Universal
et
Dreamworks)
pour sortir le plus rapidement un projet souvent en concurrence avec un sujet identique chez le voisin : ces duels trouvèrent leur apogée dans la relance cyclique des genres films catastrophe et films de guerre pour se poursuivre dans les films d’animation : ainsi, en 1997,
Volcano
(M.Jackson) et
Le pic de Dante
(R.Donaldson), en 1998,
Armageddon
(M.Bay) et
Deep Impact
(M.Leder), en 2000,
Planète rouge
(A.Hoffman) et
Mission to Mars
(B. de Palma), ou encore, en 1998 également, de
Fourmiz
(E.Darnell)
et de
1001 pattes
(J.Lasseter). Sur les affiches, c’est le règne du sensationnel : spectacularité des effets spéciaux (SFX
en anglais, abréviation de
Special Effects),
mots, noms et titres chocs et date de sortie calibrée dès la pré affiche. Sous le duel exemplaire
d’Armageddon
et de
Deep Impact
se cache pourtant la campagne marketing déjà menée pour LE film précédent ayant relancé le genre Science Fiction ainsi que les ingrédients modernes incontournables du
blockbuster
(effets spéciaux novateurs et très grand spectacle, scénario non pas minimaliste mais ajusté au plus simple et au plus efficace) :
Independance Day
(R.Emmerich), qui dès 1996, permettait au cinéma populaire de se replonger dans les très grands succès commerciaux (c’est encore le 12ème plus grand succès de l’histoire du Cinéma) avec des
recettes aisées à rebâtir, ce que fera notamment James Cameron sur son
Titanic
en 1998.