Autres licences prestigieuses adaptées : la saga
Wing Commander
de Chris Roberts (inspirée de
Star Wars,
débutée en 1990 et réputée pour ses scènes cinématiques faisant appel à des comédiens réputés) donna lieu à un film réalisé par Roberts lui-même mais qui connu un échec en 1999. La série
d’aventure horrifique française
Alone in the Dark
fut également adaptée par Uwe Boll en 2005, sans grand succès. Le foudroyant succès de
Tomb Raider
(créé par
Eidos
et
Core Design
en 1996) ainsi que son réel potentiel cinématographique ne se retrouvèrent que très moyennement dans les brouillons films de 2001 (Lara
Croft : Tomb Raider
de S.West) et de 2003 (Tomb
Raider : le berceau de la vie
de J. de Bont). Les affiches, bien que très proches des visuels des jeux, semblaient miser un peu trop sur le physique de l’actrice principale, et
oublier l’aspect aventure faisant aussi de
Lara Croft
une
Indiana Jones
au féminin…
L’univers pourtant fascinant de la saga
Final Fantasy
(produit par
Square
au japon dès 1987) sera également mal exploité à l’écran en 2001 (Final
fantasy : les créatures de l’esprit
- H. Sakaguchi) dans un film d’animation au budget colossal mais trop éthéré pour satisfaire les fans du jeu. Bien plus judicieuses et décomplexées seront les transpositions de
Doom
(A. Bartkowiak - 2005) et de
Silent Hill
(C. Gans - 2005), leurs principales qualités respectives étant de ne pas oublier leurs origines, comme peut en témoigner la pré affiche américaine en vue subjective du FPS
Doom,
premier grand classique du genre paru en 1993 (ID
Software).
Silent Hill,
est quand à lui, de par son esthétisme et son sens de l’immersion aussi bien pour le néo spectateur que pour le joueur aguerri, l’adaptation de jeu la plus réussie à ce jour. Si on le compare aux
adaptations passables tirées de la série
Resident Evil,
quasi similaire dans son concept depuis sa création en 1996 par
Capcom,
cette réussite ressort d’autant plus méritoire. Les affiches des films
Resident Evil
de 2002 (P. Anderson) et 2004 (A. Witt) traduisent une différence fondamentale de perception du film d’horreur traditionnel avec la vision donnée dans
Silent Hill
(créé par
Konami
en 1999). Pourtant,
Silent Hill
et le second
Resident Evil
ont eu comme points communs un concours de création d’affiches ouvert à leurs fans respectifs (une double première mondiale, organisée par la production (Sony
Tristar)
; affiches gagnantes ci-dessus, celle de
Silent Hill
étant la plus proche du concept originel au jeu) et une même agence de
design
(Shoolery
Design).
L’aspect esthétique et horrifique est incontestablement bien plus réussi sur les affiches de
Silent Hill
que sur celles de
Resident Evil,
ce dernier étant vendu simplement comme un mixte des genres action/aventure et horreur/gore.
5. La fusion des styles ?
A partir de 2000, le processus d’hybridation entre les quatre grands produits culturels que sont le livre, le film, la musique
et le jeu vidéo trouva son point d’achèvement : la déclinaison des produits sur l’ensemble de la gamme commerciale devint la norme, aussi bien aux États-unis qu’en France et les genres
susceptibles de l’être (Aventure, Fantastique, Science Fiction ou Historique) donnent lieu sur une période relativement courte à un ensemble de visuels très rapprochés graphiquement. Pour prendre
un exemple récent, le
best seller
Da Vinci Code,
livre écrit par Dan Brown en 2003, devient un film de Ron Howard en 2005 ainsi qu’un jeu vidéo en 2006… en attendant la sortie du film sur le marché vidéo (DVD, HD-DVD et disque Blu-ray). Les
visuels se recoupent et la mystérieuse Joconde jette un regard complice vers le « pluri-spectateur ».
De tels exemples se comptent par dizaine pour les licences anglo-saxonnes, essentiellement dans les genres Fantastique (Harry
Potter, Seigneur des anneaux, Le
monde de Narnia, Eragon),
Science Fiction (Star
Wars, Matrix)
Policier (Starsky
et Hutch, Miami Vice, Le Parrain, Scarface),
un peu moins dans le genre Aventure (Indiana
Jones, Zorro).
Plus intéressantes seront les suites et les visuels créés soit pour des produits originaux fondés sur une licence préexistante (exemples récents de jeux vidéo basés sur les films
Scarface
(B. De Palma - 1984) et la trilogie du
Parrain
(F.F. Coppola - 1972/1975/1990)), soit, encore, pour une séquelle des films ou séries (exemple du jeu vidéo
X-Files
en 1998 ou du jeu
Enter the Matrix
en 2003, dans lequel on suivait des personnages secondaires de la trilogie). Dans tous les cas, les nouveaux visuels ne sont qu’une répétition de la charte originelle, pour un mélange d’hommage et de recyclage mémoratif inévitable, tant l’affiche est devenue le symbole du film repère.
Ce dernier aspect apparaît aussi notable que paradoxal dans la mesure où la multiplication des productions, des supports, des produits et
des agences de création publicitaire laisserait à penser au contraire à une volonté d’innover, sinon de « dépoussiérer » des visuels déjà datés. Dans le cas des adaptations de séries
télévisuelles,en forte augmentation ces dernières années (essentiellement depuis 1993 et le succès du
Fugitif
(A. Davis)), les affichistes sont plus tentés de faire appel à la mémoire des téléspectateurs pour des séries souvent cultes et multi-diffusées, tout en ne négligeant pas le fait de
relooker
une image datant souvent des années 1960 ou 1970. Le portage à l’écran s’effectue donc le plus souvent dans la rupture, puisque l’univers, le physique des acteurs et parfois la temporalité de la
série TV sont modifiés plus ou moins ouvertement.
Quelques exemples américains divers : les visuels du
Fugitif
se basent sur la série homonyme créée en 1963 sur le réseau ABC, mais s’en dégagent pour se tourner vers le film d’action ; les affiches imaginées par l’agence
BLT & Associates
comme
La famille Addams
(B. Sonnenfeld - 1991),
Mission Impossible
(B. De Palma - 1996),
Starsky et Hutch
(T.Phillips - 2003) ou
Miami Vice
(M. Mann - 2006) sont établies sur les éléments repères à la fois anciens (titrage, ambiance générale) et nouveaux (acteurs et
design)
; d’autres visuels comme ceux de
Le Saint
(P. Noyce - 1997) ou de
Chapeau melon et bottes de cuir
(J.S.Chechik - 1998) s’orientent volontairement vers le film d’action-espionnage apparenté aux
James Bond
tandis que
Les Incorruptibles
(B. De Palma - 1987) se fondait sur le genre policier.
En France, la reprise des séries traditionnelles s’effectue suivant le principal modèle américain : jeu des
références cognitives avec le télé-spectateur et renouveau du genre affilié, comme peuvent l’illustrer les visuels de
Belphégor
(J.P. Salomé - 2000) ou des
Brigades du Tigre
(J. Cornuau - 2006).
La fusion des styles, des genres et des médias se veut au service du produit plébiscité : du livre au film, de la bande dessinée au jeu vidéo ou encore de la télévision au cinéma,
l’affiche est de nouveau à la fois réceptrice et émettrice : elle reçoit une imagerie passée liée à d’autres créations et au genre dans lequel elles s’ancrent, mais elle dégage à son tour une
valeur iconique nouvelle, résultante d’une fraction
plus ou moins importante de ces acquis. L’affiches est consciente et inconsciente aux yeux de celui qui la regarde : elle « fait référence... » en même temps qu’elle « est LA
référence » du moment, ou du moins tente de l’être afin d’établir des passerelles entre les médias. Les éléments contextualisants préservés d’anciennes stratégies marketing sont donc
également fonction à part égale de la notoriété du produit et de la volonté propre des créateurs actuels de s’en dégager ou non. Le processus d’hybridation entre les médias est dicté par un
marché culturel en évolution et en recyclage permanent,
que ce soit en termes de contenus, de mythologies ou de genres.