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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 14:45

 12 Years A Slave (« 12 ans en tant qu'esclave »), du réalisateur britannique Steve McQueen, évoque avec virulence le passé esclavagiste des États-Unis. Le film est inspiré de l'histoire vraie de Solomon Northurp, un musicien noir vivant près de New-York, kidnappé en 1841 par les gérants d'un cirque et vendu comme esclave dans le Sud (Louisiane) pendant une douzaine d'années. Northup avait raconté son calvaire dans ses mémoires, publiées en 1853. 

 

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  Illustration accompagnant l'édition de 1853 de 12 Years a Slave :

Solomon Northup  (Juillet 1808 - vers 1860 ?)

 

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Différentes couvertures américaines du roman (éditions Atria/37 Inks, Penguin Books),

la dernière (Hesperus Classics) signalant désormais l'adaptation cinématographique.

 

Le film, qui fait partie des grands favoris pour les prochains Oscars, et dont la sortie française est prévue le 22 janvier 2014, a déjà été présenté en avant-première. Notamment (depuis septembre 2013) au Festival International du film de Toronto, où la projection en a mis d'ailleurs plus d'un mal à l'aise, à cause de ses nombreuses scènes de torture ultra-réalistes... Précisons que les nommés aux Oscars seront annoncés le 16 janvier prochain (4 jours après la prestigieuse cérémonie des Golden Globes), ceci alors que le film (produit par Brad Pitt) a déjà raflé treize nominations aux Critics' Choice Awards, ces récompenses étant décernées chaque année par l'association des critiques travaillant dans l'audiovisuel (BFCA), composée de 270 télévisions, radios et sites Internet.

 

 Cette production attire doublement notre attention : naturellement pour les affiches, que nous évoquerons plus loin, mais prioritairement par le fait que les oeuvres cinématographiques évoquant aussi directement le thème pourtant majeur de l'esclavage soient si rares. Outre les films renvoyant à l'Antiquité, tout au plus se rémémore-t-on en effet, côté américain, La Case de l'Oncle Tom (plusieurs films adaptent le roman d'Harriet Beecher Stowe entre 1910 et 1927 ; et film franco-italo-germano-yougoslave (!) par Géza von Radványi en 1965), Amistad (S. Spielberg, 1997) et le récent Django Unchained de Quentin Tarantino (2012) qui demeure un western survitaminé et non un film historique. Plusieurs autres oeuvres évoquent le thème comme arrière-plan sociologique et raciste, sans le traiter aussi frontalement, ou simplement parce que le sujet du film est en partie ailleurs : c'est le cas par exemple de La Couleur pourpre (Spielberg, 1985), qui narre le destin de deux femmes noires du sud des États-Unis, se déployant sur trois décennies depuis les années 1910. C'est le cas, également, d'Autant en emporte le vent (V. fleming, 1939),  Glory (E. Swick, 1989), Beloved (J. Demme, 1999) ou de Lincoln (Spielberg, 2013).

 

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  Ce qui rapproche 12 Years a Slave d'un certain nombre d'autres films, c'est son caractère autobiographique tirant vers la fable humaniste : on retrouvera cet aspect, en liaison avec un passé d'esclave ou via la révolte contre la ségrégation, dans Mississippi Burning (A. Parker, 1988), Miss Daisy et son chauffeur (B. Beresford, 1989), Jefferson à Paris (J. Ivory, 1995), Les Chemins de la dignité (G. Tilman Jr., 2000), O'Brother (J. et E. Coen, 2000), La Couleur des sentiments (T. Taylor, 2011) et Le Majordome (L. Daniels, 2012). Du côté français, et à l'exception de grands films de genre (série des Angélique) ou d'une comédie telle Case départ (L. Steketee, 2011)), le thème n'est abordé que par des téléfilms : le dernier en date est Toussaint Louverture, un téléfilm en deux épisodes réalisé par Philippe Niang pour France 2 (2012).

 

  L'affiche teaser de 12 Years a Slave, révélée une première fois en avril 2011 (le film étant prévu à l'origine fin 2012), fera le tour des forums et des sites spécialisés en avril 2013, après confirmation de la sortie du film pour la fin de l'année : elle suggère une porte vers un ciel plus clément de liberté, dans un horizon pourtant bouché par un inaltérable et inhumain mur de pierres jointes, où se meuvent encore les ombres du passé et du présent. La production mentionne subtilement le réalisateur de Hunger (la faim, 2008) et Shame (la honte, 2011), ainsi que Tree of  life (L'Arbre de vie, par T. Malick, 2011, où jouait déjà Brad Pitt), soit autant de mots et de codes jouant avec d'évidents symboles.

 

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 L'affiche officielle (design des studios Ignition Print révélé en juillet 2013) évoque quant à elle la fuite, une course effreinée - captée en plein mouvement - d'un homme noir sur fond blanc, portant en lui et sur lui les germes (chemise blanche) d'une liberté qu'on lui refuse encore, comme l'indiquent à la fois le titre (le temps passe et ancre le statut social) et le mouvement non-naturel de la droite vers la gauche (inverse du sens de lecture occidental et donc synonyme de conflit, d'oppositions et d'obstacles). La promotion du film, bénéficiant d'élogieuses ciritiques, s'est empressée de faire reparaître en visuel en amont des Oscars à venir...

 

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 Rajoutons à ces premiers visuels une intéressante version espagnole, qui suggère autant l'emblématique lieu d'exploitation (le champ de coton) que l'immensité mortifère du travail à accomplir par l'esclave.

 

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 Signalons enfin la très récente polémique survenue fin décembre 2013 dans le cadre de la promotion italienne : BIM, le distributeur du film dans la Péninsule, avait en effet préféré réaliser et imprimer ses propres affiches. Sauf que ces posters montrent essentiellemenent le visage de Brad Pitt, réduisant l'acteur principal (Chiwetel Ejiofor) à une petite silhouette dans un coin ! Un comble, bien que selon BIM, le nom de Pitt (également co-producteur du film via sa société Plan B) et son visage soient des atouts majeurs pour promouvoir 12 Anni Schiavo (titre  italien), aux limites du racisme favorisant un blond aux yeux bleus plutôt qu'un esclave noir...

 

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 Le studio Lionsgate, qui distribue le film sur toute la planète via sa filiale Summit, s'est aussitôt désolidarisé de cette campagne très malvenue, déclarant dans un communiqué que " ces posters n'ont pas été validés par aucun des producteurs ou distributeurs du film ", et promettant de " rappeler toutes ces affiches " immédiatement.

 

 Rien n'est simple sur de tels sujets, y compris en 2013-2014...

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