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 2. Cases, bulles, pellicule : le paysage franco-belge

 

L’adaptation en film d’albums de bandes dessinées franco-belges ou de comics américains ne se fait pas sous la même contrainte : en Europe, les producteurs de chaque camp, certes associés, sont dans une large mesure indépendants, alors qu’ils sont très étroitement liés aux Etats-Unis. Les Studios Warner possèdent ainsi Marvel Comics et DC Comics, les deux plus importants éditeurs de bande dessinée  américaine, et les studios eux-mêmes font partie du vaste conglomérat Time Warner, créé en 2000). En France, c’est le groupe Média Participations qui gère depuis 2004 des éditeurs majeurs tels que Dargaud, le Lombard et Dupuis, tandis que Flammarion possède Casterman. Media Participations, avec un chiffre d’affaires estimé à 300 millions d’euros, peut être considéré dorénavant (si l’on ne tient pas compte du cas particulier de France-Loisirs) comme le troisième groupe éditorial français derrière Hachette (Lagardère) et Editis (Wendel), mais devant Seuil-Martinière, Gallimard et Flammarion.

 

 

  D’énormes enjeux résident dans les produits dérivés nés de l’exploitation des licences (
Blueberry, Achille Talon, Lucky Luke, Boule et Bill, etc.), et surtout dans la production cinématographique et télévisuelle. Les filiales audiovisuelles de l’ensemble Dargaud-Dupuis disposent aujourd’hui, bien qu’ayant perdu Astérix, de Tintin, Spirou, Lucky Luke, Boule et Bill, les Schtroumpfs, Blake et Mortimer, Largo Winch, XIII, Papyrus, entre autres.... Mais on peut s’attendre à une réorganisation des studios, car le groupe, qui disposait déjà de Belvision (à Bruxelles) et de Dargaud Marina, a racheté récemment Ellipse Animation (ancienne filiale d’Expand cédée par Canal Plus qui a produit les longs-métrages Bécassine (P. Vidal - 2001) et Corto Maltese (P. Morelli - 2002), auquel s’ajoute dorénavant le Studio Dupuis (à Paris). Jusqu‘ici, les affiches des films issus de bande dessinée ont volontairement choisis de s’éloigner des matériaux originaux pour de multiples raisons : bande dessinée aux visuels déjà surannés (Bécassine, Les Chevaliers du ciel (G. Pires - 2005)), personnages transposés en acteurs ou en image de synthèse (Astérix, Garfield, les différents super héros Marvel), histoires originales ou véritable relecture de plusieurs albums mêlés (Michel Vaillant de L.P. Couvelaire - 2003), création d’un nouveau logo emblématique ou volonté précise de la production de « rajeunir », à tort ou à raison, l’univers de départ.

 
  Pour les
Chevaliers du ciel, en outre, se posait le problème de rompre avec la série télévisuelle de 1967, tirée des aventures imaginées en 1959 par Charlier et dessinées par Uderzo puis notamment Jijé, puisque Uderzo avait pris comme modèle de ses héros de papier le physique des acteurs Jacques Santi et Christian Marin...

 


  Le cas d’
Astérix est le plus intéressant à étudier puisqu’il a donné lieu au plus grand nombre d’adaptations filmiques, et qu’elles le furent sous la double forme de l’animation et de l’incarnation par des acteurs bien réels : d’Astérix le Gaulois (R. Goossens - 1967) à Astérix aux Jeux Olympiques (T. Langmann et F. Forestier - 2008), le héros moustachu apparu ainsi à 11 reprises, dont une version mêlant dessin traditionnel et image numérique (Astérix et les Vikings - S. Fjeldmark - 2006) et deux versions (animée et prises de vue réelles) d’Astérix & Cléopâtre (L Payant - 1968 et A. Chabat - 2002). Ces derniers disposèrent d’une affiche de cinéma différente de la première couverture de l’album homonyme, célèbre détournement parodique de l’affiche du film Cléopâtre (J.L. Mankiewicz - 1963)  avec Elizabeth Taylor dans le rôle titre. Uderzo en livra une seconde version en 2002 lors de la sortie du film d’Alain Chabat (au titre rebaptisé Astérix et Obélix : mission Cléopâtre). Il en fut de même avec Astérix et les Normands, qui côtoya la version retitrée Astérix et les Vikings en accord avec le film de 2006, pour l’album tiré de celui-ci. L’affiche du film est cependant une transposition de la couverture d’Uderzo, comme le furent les autres versions animées des aventures du petit gaulois, à l’exception de Les 12 travaux d’Astérix en 1976 (histoire entièrement écrite et réalisés par Pierre Tchernia pour René Goscinny pour l’occasion).

 

 
  Les liens intimes tissés entre le Cinéma et la Bande Dessinée actuels se fondent du
storyboard à l’affiche, de l’art de la mise en scène à l’écriture d’un scénario dialogué ; il apparaîtra logique que des dessinateurs férus de 7ème Art illustrent eux-mêmes les affiches des métrages adaptés de leurs personnages (quand ils ne sont pas passés derrière la caméra…) ou, du moins, rendent hommage via une couverture ou une planche, à une affiche culte. Méfions nous toutefois des influences qui n’en ont pas forcément étaient… Comparons par exemple  à ce titre l’affiche de Rien que pour vos yeux (1981) avec  la couverture de Lucky Luke et Phil Defer (Morris, 1977) et celle de Qui arrêtera Cyanure ? (35ème album des aventures de Spirou  et Fantasio, par Tome et Janry, 1985). 




  A l’inverse, le portage à l’écran en 2004 par Jan Kounen de l’univers du
Blueberry de Jean Giraud (création en 1963), formidable  hommage au Western composé d’albums aux couvertures dignes d’une  affiche, n’aura justement pas bénéficié d’un visuel créé par Giraud, pour mieux réaffirmer que l’esprit du film était bien celui d’une adaptation . De même, si Hugo Pratt (1927-1995) n’a jamais dessiné de son vivant la moindre affiche pour une adaptation de Corto Maltese (le film d’animation datant de 2002), il aura par contre réalisé celle de Jesuit Joe (O. Austen - 1990). Pratt rejoint ainsi Philippe Druillet (La Guerre du Feu - 1981 ; Le Nom de la rose - 1986), Enki Bilal (Immortel, ad vitam - 2004 ; Tykho Moon - 1996 ; La vie est un roman - A.Resnais - 1982),
Martin Veyron (L’amour propre ne le reste jamais très longtemps - 1985), Christian Binet (Les Bidochon (S. Korber - 1996)), Tronchet (Le Nouveau Jean-Claude - 2001), Jean-Marc Reiser pour l’adaptation de Vive les femmes ! (Cl. Confortes - 1983) et Wolinski pour l’adaptation de Paulette, la pauvre petite milliardaire (Cl. Confortes -1985). Gérard Lauzier, très impliqué dans le cinéma, signe l’affiche de Comment réussir quand on est c.. et pleurnichard ! (M. Audiard -1973) et celle de  son film T'empêches tout le monde de dormir ! (1982). Lorenzo Mattotii est aussi l’auteur d’une affiche pour le festival de Cannes et de nombreux films.




  
    Jean-Claude Floc’h, dont le dessin est typiquement représentatif de la ligne claire dans la pure tradition d’Hergé, peut se targuer d’être l’auteur de deux belles affiches de films de Woody Allen (
Harry dans tous ses états en 1997 et Hollywood Ending en 2001), mais aussi de celles de films français comme Liberté-Oléron (D. Podalydes - 2001). Floc’h est de plus l’un des fidèles d’Alain Resnais depuis Smoking/No Smoking (1993), puisqu’il est également le créateur des affiches de On connaît la chanson (1997) et de Pas sur la bouche (2003). Dupuy et Berbérian sont quant à eux notamment  les auteurs de l’affiche d’Au nom d'Anna en 2000 (E. Norton), tandis que Tardi s’affiche lui aussi régulièrement sur les panneaux d’affichage, par exemple pour Cookie's Fortune (1998) de Robert Altman. Sempé, connu notamment pour avoir illustré les aventures du petit Nicolas, plus illustrateur que dessinateur de bande dessinée, mais son style en reste très proche, signe notamment l’affiche de Le Comptoir (1998).

 
  Le dessinateur Daniel Clowes, dont
Ghost world (2001) est l’adaptation de l’une de ses oeuvres, a réalisé (entre autres) les affiches de Happiness (1998) et de Savages (2007), dans un genre qui rapproche le visuel d'une case extraite d'un album. Idem pour le style plus humoristique de Farid Boudjellal pour  Le Gone du Chaâba (1997), ou celui de La vengeance du serpent à plume (1984), qui sont d’un graphisme typique d’une bande dessinée... et pour ainsi dire d’une couverture d’album de bande dessinée classique.

 

   Une dernière tendance très actuelle est celle des multi-adaptations : la bande dessinée adaptée du film lui-même tirée d’un roman (ou d'une BD !), ou encore la transition bd-film-jeu vidéo que l’on étudiera plus loin. Là encore, le dessinateur originel est appelé plus ou moins directement si le projet est une adaptation fidèle ou non du matériel de départ (charte des personnages, des décors, des ambiances, etc.) : Jean Claude Mézières ou Jean Giraud sont des collaborateurs actifs du cinéma Fantastique et de Science Fiction (Willow, Tron, Alien, Abyss ou le 5ème élément) mais n'ont jamais signé la moindre affiche de films qui ne faisaient que s’inspirer de leurs œuvres respectives. Les films en prises de vue « réalistes » laissent par ailleurs une moindre part à la Bande Dessinée que les films d’animation ou  les comédies : en 2002, l’adaptation par Alain Berbérian de l’Enquête Corse, bande dessinée homonyme signée Pétillon, accordera une large place à un visuel re-créé par le même dessinateur, pour un décalque de la couverture originelle. Ce principe n’est pas une évidence puisque la tentative d’adaptation de l’oeuvre de Franquin en 1980 (Fais gaffe à La gaffe !) par Paul Boujenah se soldera par une affiche pourtant dessinée mais simplement « inspirée» par les visuels de Franquin qui n’avait pas donné son consentement pour reprendre son personnage ni même son nom (le G du film, alias Gaston, est donc bien affublé d’un pull vert, sauf sur l’affiche !). Lucky Luke est aussi un cas particulier, puisque exceptées les films d’animations signés par Morris et Goscinny (Daisy Town en 1971, la Ballade des Dalton en 1978 et Les dalton en cavale en 1983), aucun film ne  bénéficie d’une affiche créée par Morris (Lucky Luke - T. Hill (1991) et Les Daltons (Ph. Haïm - 2003)) puisque dans chaque cas, les auteurs, scénaristes et réalisateurs ont voulu reprendre (à tort !) un morceau du patrimoine franco-belge (Morris étant décédé en 2001, le second film s’attira en ce sens de très vives critiques). 

 

  
 
  Autre film marqué par une certaine malchance :
Iznogoud, de Patrick Braoudé, qui repris pourtant les volontés de René Goscinny et de Pierre Tchernia de voir le personnage imaginé par Jean Tabary en 1961 porté au cinéma, mais que la disparition de Goscinny stoppa nette. Le film de Braoudé sort en février 2005, deux semaines à peine après la mort de Jacques Villeret, qui y incarnait le fameux calife à la place très convoitée… L’affiche comme le scénario sont entièrement nouveaux, les droits des personnages ayant été concédés par Anne Goscinny et Tabary.

 

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